Le modèle de négociation danois ne serait pas adapté aux spécificités du service public. La preuve ? Le nombre de conflits, que ce soit dans l’Education Nationale ou au sein des administrations municipales ou régionales, serait particulièrement important en comparaison avec le secteur privé… C’est la thèse avancée par le chercheur danois Laust Høgedahl qui est l‘auteur d’un rapport intitulé «Négociations d’accords publics et résolution de conflits» (”Offentlige overenskomstforhandlinger og konfliktløsning”). La confédération FTF (Funktionærernes og Tjenestemændenes Fællesråd, Confédération des employés et des fonctionnaires publics) n’est pas opposée à une réflexion profonde sur le sujet mais elle souhaite aborder la question après les négociations de 2018.
Un modèle inadapté
Le même terme « modèle danois » s’applique à la fois au secteur public et privé. Or, il a été créé et développé avant tout par rapport au secteur privé dont il prend en compte les règles spécifiques, notamment les conditions du marché. Mais le marché public étant différent, les conséquences sont catastrophiques en terme de relations sociales. La preuve ? Le Danemark est le pays scandinave qui connait le nombre le plus important de conflits et de jours de grèves dans le secteur public :
- Entre 2008 et 2016, ea Danemark aurait perdu près d’1 million de jours de travail/an en raison de conflits dans le service public, soit le total des jours perdus dans les 3 autres pays nordiques (44 000 en Suède, 528 000 en Norvège et 314 000 en Finlande)
- Les conflits y sont souvent très longs et très durs, d’autant plus que depuis plusieurs années, le Service Public subit une pression sur les salaires et les conditions de travail.
En comparaison, le niveau des conflits dans le secteur privé est relativement bas, le dernier grand conflit datant de 1998.
Il serait donc nécessaire de le traiter distinctement si les partenaires sociaux danois souhaitaient trouver un modèle apaisé de négociation.
C’est la thèse développée par le chercheur Laust Høgedahl dans son rapport intitulé «s» (”Offentlige overenskomstforhandlinger og konfliktløsning”). Il y pointe du doigt certaines aberrations. Par exemple, l’Etat comme employeur est à la fois le négociateur et le législateur, juge et parti. Il est donc arrivé que l’Etat utilise l’arme législative pour clore un conflit. Par ailleurs, les lock-out ayant un impact financier limité (l’administration ne perdrait pas forcément d’argent en cas de grève, voir elle en économiserait), l’Etat abuserait de ce moyen en réponse aux préavis de grève. La médiation fonctionnerait également moins bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Du côté syndical, les syndicats font souvent cavaliers seuls alors que dans le privé, LO fédère plutôt bien les revendications.
L’OIT a d’ailleurs critiqué plusieurs fois le gouvernement danois (et norvégien) pour avoir eu recours à un arbitrage forcé ou avoir utilisé la loi comme moyen de résoudre les conflits au lieu de la négociation.
Des solutions ?
Laust Høgedahl propose plusieurs pistes et notamment :
- La création d’un observatoire indépendant qui effectuerait des analyses de salaire, fixerait leur formation ainsi que les heures de travail
- La création d’une organisation d’employeur plus indépendante au niveau de l’Etat, c’est-à-dire un tiers qui serait en charge des négociations. En comparaison, la Suède a résolu ce problème du conflit d’intérêt en créant Arbetsgivarsverket qui représente l’Etat comme employeur. La Suède n’a ainsi pas connu de conflit dans le travail dans le Secteur Public depuis 1994 même si des négociations ont été difficiles et ont sollicité le recours à la médiation.
- Un encadrement de l’utilisation du lock-out dont l’utilisation peut être abusive.
- Des règles plus contraignantes entourant les négociations.
Bente Sorgenfrey, président de la confédération FTF est intéressé. « Il est évident que les parties doivent se rencontrer et discuter des ajustements possibles du modèle danois par rapport au domaine public » a-t-il notamment déclaré. Mais il souhaite que d’éventuelles discussions se tiennent après les négociations salariales 2018. Dans ce cadre, un appel à la grève est déjà lancé pour le 11 avril 2018 et va concerner dans un premier temps entre 10 et 15% des salariés du public.