Cette question, loin d’être anodine, ne semble toujours pas clairement tranchée si on en croit les deux récentes polémiques qui ont eu lieu à ce sujet. Car de la réponse dépendent des positions économiques et politiques…
Tout commence par un tweet datée du 8 janvier 2017 d’ Artis Pabriks, ancien ministre de la défense et des affaires étrangères de Lettonie, annonçant fièrement que « les Nations Unies ont reclassé l’Estonie, la Lituanie et la Lettonie dans les pays d’Europe du Nord et non d’Europe de l’Est. ». Ce tweet est relayé par Marko Mihkelson, un parlementaire estonien à la tête du comité des affaires étrangères du parlement qui, sur sa page Facebook insiste : « c’est logique à la fois dans un sens géographique et géopolitique ». La presse se fait ensuite l’écho de cette nouvelle… qui n’en est pas une. En effet, les Nations Unies avaient déjà classifié les pays baltes dans les pays relevant de l’Europe du Nord en 2002. Cette fois-ci, il s’agissait uniquement d’une « reclassification »…
L’Estonie, la Lituanie et la Lettonie font donc bien parties des pays d’Europe du Nord avec le Danemark, la Finlande, l’Islande, l’Irlande, la Norvège et le Royaume-Uni… si certains n’étaient pas au courant ! Et selon cette classification, font parties de l’Europe de l’Est la Biélorussie, la République Tchèque, la Hongrie, la Moldavie, la Pologne, la Roumanie, la Russie, la Slovaquie et l’Ukraine.
Car les pays baltes veulent à tout prix faire oublier leur passé et martèlent qu’ils « n’en sont pas ! ». C’est pourquoi, les ambassadeurs des 3 pays en Allemagne ont envoyé un courrier la semaine dernière demandant à l’éditeur du quotidien Die Zeit d’exclure leurs nations de sa série consacrée aux « pays successeurs de l’Union Soviétique » à l’occasion du 25ème anniversaire de la chute de l’URSS. Ce courrier voulait donner une leçon d’histoire en rappelant que leurs pays avaient été toujours occupés illégalement et que cette occupation n’avait jamais été formellement reconnue par les pays de l’Ouest.
Ce n’est pas la première fois que les ambassadeurs doivent rappeler ce point historique. Ainsi en 2014 l’ambassadeur de Lituanie à Londres avait dû signaler au journal « The Guardian » qu’il n’était pas possible d’écrire que son pays « appartenait au monde post-soviétique ». Le président d’Estonie de l’époque, Toomas Hendrik Ilves avait d’ailleurs tweeté : « dans ces conditions, peut-être que The Guardian peut inclure les USA dans l’ancien empire britannique ». Les pays baltes ne peuvent être assimilés à d’anciens pays soviétiques puisqu’ils ont simplement récupéré leur indépendance à la chute du mur.
Car pour eux, la distinction est cruciale même si l’histoire pourrait objecter qu’ils ont, même à leur corps défendant, appartenu à ce bloc de l’Est. Aujourd’hui, l’importance est économique car il s‘agit de rassurer et d’attirer les investisseurs dans des pays que peu de gens peuvent situer sur une carte du monde. Or, se référer aux pays du Nord permet de se doter d’une meilleure image de marque (démocratie, faible corruption, productivité, etc). Les pays baltes ont également très vite voulu être assimilés à l’Union Européenne pour bien souligner leur indépendance vis-à-vis de Moscou et profiter de l’influence économique et politique. Ce n’est pas un hasard si l’Estonie et la Lettonie sont aujourd’hui membres de l’OCDE
Pourtant, les pays baltes font bien partis de l’Europe de l’Est en terme de « région politique » et non de division statistique. « Aucune modification n’a été apportée dans la division des pays faite par les Nations Unies en terme de région géographie ou de groupe régional. Au regard de la classification des pays faite par la division des statistiques des Nations Unies, l’Estonie appartient aux pays d’Europe du Nord. Au regard de la classification de groupe régional, l’Estonie appartient au groupe de l’Europe de l’Est. Ces deux classifications ne sont pas connectées entre elles et sont basées sur des principes différents » a voulu néanmoins résumer le porte-parole du ministre estonien des affaires étrangères, Mariann Sudakov. Car actuellement l’Estonie souhaite être élue au Conseil de sécurité de l’ONU en tant que membre non permanent en 2020-21. Elle a comme concurrent la Roumanie à un siège qui relève des pays du groupe d’Europe de l’Est… et qu’a occupé la Lituanie en 2014-2015 en remplacement de l’Azerbaidjan.
La réponse n’est donc pas si simple.