Norvège : le bon élève de l’OIT ?

 

norway-1487008_640(Par Virginie Hours)

La Norvège et l’OIT vivent une belle collaboration depuis la création de l’organisation internationale, d’autant plus que la Norvège est souvent apparue comme le pays modèle, tant du point de vue financier que du nombre de conventions qu’elle a ratifiées. Dotée d’un statut particulier avec une volonté première de peser sur les orientations, elle s’illustre par un tripartisme qui fonctionne. Ce n’est donc pas un hasard si la Norvège a été montrée en exemple le 13 juin 2016 par le président de l’OIT Guy Ryder, à l’issue de la conférence internationale du travail qui s’est tenue en mai 2016.

Une collaboration ancienne

La Norvège participe à l’OIT depuis sa création en 1919 et travaille activement à la fois lors des conférences internationales et au sein du conseil d’administration.

Le Conseil d’administration est l’organe exécutif de l’OIT qui se réunit trois fois par an à Genève : en mars, en juin (après la CIT, Conférence internationale du travail) et en novembre. Comme la CIT, le Conseil d’administration est doté d’une structure tripartite. Il est composé de 56 membres permanents (28 gouvernements, 14 représentants des employeurs et 14 représentants des travailleurs) et de 66 membres associés (28 gouvernements, 19 représentants des employeurs et 19 représentants des travailleurs).

 

Une contribution financière généreuse

La Norvège sait régulièrement être généreuse avec l’OIT et quelques exemples illustrent bien l’attention régulière de la Norvège pour les questions traitées par l’OIT :

  • Pour la période 2004-2007, la Norvège avait été le troisième plus gros donateur de l’OIT, versant une contribution extrabudgétaire de plus de 40 millions de dollars.

  • Ensuite pour la période 2008-2009, le gouvernement de Norvège avait étendu son accord de partenariat en allouant une nouvelle contribution de 100 millions de couronnes norvégiennes (NOK), soit environ 10,6 millions d’euros. Cet argent était destiné à soutenir l’application de l’Agenda pour le travail décent et à promouvoir les droits fondamentaux au travail, notamment la liberté d’association, la négociation collective et l’élimination du travail des enfants, l’égalité hommes-femmes, le dialogue social, des politiques économiques et sociales cohérentes d’appui au travail décent, et le renforcement de l’inspection du travail.

  • En décembre 2011, la Norvège et l’OIT ont signé un accord de coopération qui prévoyait un soutien financier et technique notamment pour des tournées d’inspection.

  • En 2013, L’Organisation internationale du Travail (OIT), le Secrétariat d’Etat suisse à l’Economie (SECO) et l’Agence norvégienne pour la coopération au développement (NORAD) ont signé un accord de coopération visant à soutenir la création d’emplois dans les petites et moyennes entreprises (PME) et la croissance économique.

 

Un excellent bilan de soutien aux conventions de l’OIT

Le pays affiche aussi un excellent bilan de soutien aux conventions de l’OIT avec notamment en 1932, la ratification de la convention sur le travail forcé de 1930  et en 1958 la convention (n° 105) sur l’abolition du travail forcé de 1957 . La Norvège a également ratifié la convention (n° 183) sur la protection de la maternité (2000)  et la convention (n° 187) sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail (2006) .

De même en 2014, les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs à la Conférence internationale du Travail (CIT) ont voté massivement l’adoption d’un protocole et d’une recommandation qui complétaient la convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930.

A cette occasion, Steffen Kongstad, l’ambassadeur de Norvège auprès des Nations-Unies et d’autres organisations internationales a tenu à évoquer le rôle de son pays et a déclaré : Il est important pour tous les pays de reconnaître le problème de l’esclavage moderne et de se fixer pour priorité absolue son éradication une bonne fois pour toutes».

Enfin, la Norvège est devenu le deuxième pays, après le Niger, à ratifier le Protocole à la convention sur le travail forcé, ce qui permet au protocole d’entrer en vigueur seulement 12 mois après la ratification puisque l’exigence de 2 signatures est remplie. En conséquence, le nouveau cadre de lutte contre le travail forcé et l’esclavage moderne entrera en vigueur le 9 novembre 2016.

 

Un bon dialogue interne

Concernant le droit des peuples autochtones et tribaux, la Norvège fait de nouveau figure de bon élève. En effet, même si la Convention No. 169 ne l’y oblige pas, l’OIT encourage les gouvernements à consulter régulièrement les organisations des peuples autochtones et tribaux, non seulement sur les mesures prises par l’État pour appliquer la Convention No. 169 mais aussi sur la préparation des rapports qui doivent être soumis à l’OIT. Or, la Norvège a longtemps été le seul pays à associer directement les peuples autochtones à l’établissement des rapports : le gouvernement norvégien envoyait ses rapports sur l’application de la Convention No. 169 au Parlement Saami ainsi qu’aux organisations d’employeurs et de travailleurs pour observations, rapports qui étaient ensuite transmis aux organes de surveillance de l’OIT. L’OIT a de son côté répondu favorablement à la demande de la Norvège d’engager un dialogue ouvert avec le Parlement Saami et de lui reconnaitre un rôle actif dans l’application de la Convention No. 169.

Sa spécificité : le tri-partisme

  1. un tri-partisme qui se retrouve dans les institutions

Mais la Norvège est surtout dotée d’une particularité qui convient bien « à l’esprit de l’OIT » : en 1947, elle a créé un « comité norvégien tripartite », c’est à dire que c’est le même comité qui représente les intérêts des employeurs, des salariés et du gouvernement. C’est également un organe consultatif et de conseil pour le gouvernement.

Ce comité a un grand pouvoir d’influence car il est pris pour comptant que la plupart des décisions suivies par les membres norvégiens de l’OIT sont ensuite inscrites dans la constitution et la convention n°114 sur la collaboration tripartite. Dans ce comité, on retrouve des représentants des différentes organisations sociales comme LO (confédération générale du travail), NHO (confédération des entreprises norvégiennes), Virke (fédération des entreprises de Norvège), KS (Association norvégienne des autorités locales et regionals), Unio (confédération des syndicats professionnels) ou Akademikerne (Association norvégienne des travailleurs intellectuels) notamment, et sur les questions maritimes Norges Rederiforbund (fédération des armateurs de Norvège) et Norsk Sjømannsforbund (syndicat norvégien des gens de mer).

Le secrétariat est assuré par le département du travail et de la Sécurité Sociale, ce qui signifie que tous les documents de l’OIT sont envoyés au département qui joue un rôle de coordinateur sur les questions syndicales et envoie les réponses à l’OIT.

Il est à noter qu’à chaque période, un pays nordique est présent au conseil d’administration de l’OIT selon une procédure informelle de rotation. Sur la période de 2014-2017, c’est la Norvège qui occupe le siège du côté du gouvernement. La délégation est partagée entre les membres de la diplomatie et des conseillers. La Norvège a envoyé une délégation tri-partite sur la conférence internationale du travail et se partage entre les 3 rencontres du conseil d’administration.

On peut donc se demander si la décision de rappeler le rôle normatif de l’OIT dans la conclusion des récentes réunions sur le travail décent dans les chaines d’approvisionnement ne vient pas directement de la Norvège…

  1. un tri-partisme qui doit servir d’exemple

De même, Guy Ryder a voulu symboliquement mettre la Norvège en lumière en citant le pays comme l’exemple d’un pays où le tri-partisme fonctionne. NHO et LO ont ainsi expliqué comment les deux parties avaient collaboré sur l’ODD (Objectif de Développement Durable) lancé en janvier sur l’intégration des réfugiés et des groupes vulnérables, conduisant à un accord avec le gouvernement sur leur intégration rapide. Un rapport d’Avril 2016 publié par l’OCDE et Eurostat sur l’intégration dans les pays scandinaves montrait que la Norvège avait les meilleurs résultats en terme de niveau d’emploi de réfugiés. Le souhait de Guy Ryder est donc que la Norvège joue un rôle plus central lors de la prochaine conférence en 2017 afin de montrer comment le système tripartite est utilisé en Norvège et comment il peut fonctionner efficacement.

« La Norvège a quelque chose à montrer qui est très positif. Par le dialogue et un engagement envers les organismes de collaboration, la Norvège a se mettre dans une bien meilleure position pour faire face au changement. Parfois, j’ai le mauvais sentiment que certains pensent que la coopération tripartite est difficile, lente et inefficace. L’exemple norvégien montre le contraire », a déclaré Guy Ryder après la réunion, selon le journal Nouvelles Agence (ANB).

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