La flexibilité danoise n´est pas seulement la flexibilité des contrats de travail

Les débats français sur la politique de l’emploi évoquent le plus souvent la flexibilité à la danoise sous l’angle de la possibilité d’embaucher ou de licencier facilement, sans procédures ou coûts excessifs. L’analyse, confortée par l’OCDE dans ses recommandations aux pays européens, repose sur l’idée que les employeurs hésitent à embaucher quand ils ont la possibilité de développer leurs activités car les coûts d’ajustement de la main d’œuvre sont excessifs.Au Danemark, il est vrai que plus de 800 000 personnes (soit environ 30 % de la main d’œuvre) changent d’emploi tous les ans. Les salariés danois ne restent que 8 ans en moyenne dans leur emploi (3ème rang de l’OCDE après les Etats Unis et le Royaume-Uni). On notera toutefois que, dans la plupart des cas, ce n’est pas l’employeur qui décide de se séparer d’un employé, mais celui-ci qui a trouvé ou pense trouver dans le futur un emploi plus intéressant pour lui.

Les détracteurs du modèle danois, ou en tous cas de son utilisation en France, ne manquent pas de souligner que l’économie danoise repose sur un tissu de petites et moyennes entreprises, et que le secteur des services est plus important qu’en France. On comprend alors que les salariés changent plus souvent d’emploi, car les petites entreprises et le secteur des services sont très sensibles à la conjoncture, licenciements et embauches seraient plus fréquents. Le modèle danois ne serait pas alors très utile dans un système économique différent. Et il est vrai que les structures économiques danoises et françaises sont différentes.

Tout cela est un débat relativement stérile, et qui repose sur une conception singulièrement étriquée de la flexibilité. Quel que soit le pays et sa structure économique, la flexibilité, c’est-à-dire la capacité de procéder aux adaptations rapides et permanentes nécessaires aux économies modernes, soumises à la concurrence internationale et aux conséquences de la mondialisation, est absolument déterminante pour l’économie du pays, donc pour la richesse de ses habitants. C’est un concept de flexibilité étendue, et cela ne consiste pas seulement à pouvoir embaucher et licencier sans contraintes.

L’examen des caractéristiques du modèle danois prend alors toute sa signification si l’on veut réfléchir aux adaptations de l’économie française. Compte tenu de sa taille, le Danemark a connu avant nous l’impact de sa globalisation, et ses entreprises savent s’adapter à de perpétuels changements. C’est cela qui est intéressant dans le modèle danois, et mérite d’être approfondi.

Une étude de la flexibilité doit donc s’intéresser aux différentes formes qu’elle peut revêtir, dans la perspective de l’adaptation aux contraintes d’un environnement changeant On peut distinguer par exemple pour l’employeur :

• La flexibilité fonctionnelle : il s’agit de la possibilité pour l’entreprise de répartir souplement le travail, sans respecter forcément les frontières de ses unités fonctionnelles (un atelier produisant un modèle de voiture doit pouvoir rapidement changer de production par exemple). Cela suppose une grande polyvalence de la main d’œuvre et l’habitude sans l’entreprise de coopération entre services.
• La flexibilité dans les attitudes : il s’agit de la capacité des managers et des équipes à s’adapter au changement. Les entreprises peuvent l’améliorer par la formation et en développant les compétences.
• La flexibilité numérique : il s’agit de la capacité de changer rapidement de volume de la main d’œuvre utilisée. L’entreprise peut par exemple licencier ou embaucher, sous-traiter, faire appel aux heures supplémentaires, etc…
• La flexibilité temporelle : l’entreprise a une activité variable dans l’année. L’entreprise peut par exemple utiliser une répartition variable sur l’année du nombre d’heures travaillées, faire appel à de la main d’œuvre saisonnière ou temporaire.
• La flexibilité des locaux : il s’agit d’adapter les locaux à l’activité. On peut régler ce problème en faisant appel au travail à domicile ou au télétravail.
• La flexibilité financière : l’entreprise adapte ses charges en fonction de l’évolution de l’activité, ce qui peut se faire par différente méthode, incluant par exemple l’adaptation à la hausse ou à la baisse des salaires selon les résultats ou les besoins.

Mais la flexibilité doit être considérée comme un concept mutuel, partagé entre l’employeur et l’employé. La personne employée par une entreprise a aussi ses propres besoins de flexibilité, et peut souhaiter des changements de poste et la diversification de ses activités, travailler plus ou moins selon ses besoins, concilier mieux sa vie professionnelle et sa vie familiale, améliorer ponctuellement ses revenus pour faire face à une dépense exceptionnelle, travailler à la maison, etc.

Ces considérations mériteraient que l’on y consacre une thèse, tant une étude détaillée et des comparaisons sérieuses en termes de flexibilité globale, sur l’ensemble de ces paramètres, seraient nécessaires.

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